Project

2005. Óscar Lloveras. S/T (theoretical data / Óscar Lloveras text)

 
Je travaille dans l’intimité de mon atelier, où je conçois mon œuvre et l’ensemble de mes projets, ce qui me donne une vision des choses.

C’est à partir du dessin que je découvre mon écriture. Elle se traduit en espace, en couleur, en volume.
Les matériaux m’inspirent par leur force, un langage plastique. J’ai pu faire émerger par exemple par le papier, une image qui est propre à sa constitution. J’ai pu mettre en situation des compositions spatiales avec le matériel , lui donnant d’autres possibilités à l’égard de la lumière.
C’est finalement dans une composition que j’ai installée dans la forêt de Meudon que j’ai vu l’orientation de mon travail. Mes structures en papier et cordes se sont adaptées très positivement dans un environnement naturel.

L’utilisation du papier dans mon travail a toujours été présent. J’ai expérimenté différentes façons d’utiliser la couleur et la matière sur toutes qualités de papier. J’ai éprouvé un amour pour chercher des papiers sur mon chemin et les collectionner, les découper, ou les acheter : le papier journal, le papier dont on se sert pour envelopper le pain, les pizzas, le papier de soie. Des papiers divers, des plus pauvres au plus riches.

Par la façon d’utiliser les matériaux, on peint déjà par le choix, on parle déjà (Toroni).
Par exemple, durant la guerre du Golfe, j’ai pu obtenir des fax de guerre contenant les nouvelles provenant de là-bas. J’ai construit une série de formes très aériennes entre des voilages ou des essais aéronautiques, ou des blasons.

Par l’assemblage d’autres matières, tels que le bois, la pierre, le métal, j’ai pu aller vers une évolution constante, qui me pousse à faire intervenir aussi des matériaux manufacturés, toujours à l’état brut.
Par une vision sur la mer du Nord, en rapport avec les volumes produits par la lumière sur les terres, je me suis déplacé pour travailler sur les régions du Nord de la France et la Belgique.

Le contraste entre la ville et la nature m’a toujours touché. Il génère en moi la douleur et la joie de me sentir entre ces deux mondes.
Dans le passé, j’ai eu cette sensation dans le Nord de l’Italie où j’ai travaillé la pierre. La force de la terre, le paysage, la lumière se transforment subitement dans l’urbanisation. Je me rappelle de jours de travail sur les collines en regardant la mer au fond du paysage, à droite, en contre jour, les usines, au pied d’une rivière splendide et polluée. Je faisais la taille de pierre, tout simplement.

La sensation était similaire dans le Nord de la France alors que le paysage était autre. Les terrils (faites par les déchets des mines), les villages abandonnés des ouvriers et plus loin, le champ, pur d’une lumière éclatante comme chez les peintres flamands. Et tout en tombant par la Belgique sur la mer, la lumière se diffuse sur les épaisseurs d’un brouillard latent.

Un passé fort, une terre forte où les guerres ont laissé des traces.
Mon atelier dans une ferme abandonnée était un quartier anglais. Au loin les mines, les immigrés polonais, la richesse, la pauvreté.
Dans mes reconnaissances de terrains, j’ai collecté aussi des objets et des matériaux qui ont fait mon oeuvre : les pierres noires, les tissus blancs des usines, les cordage, les métaux, se sont intégrés dans mes compositions .

J’ai conçu des installations avec des pierres noires. J’ai aussi assemblé des pierres avec du fil de fer en constituant de grandes installations spatiales suspendues.

Comme dans le déplacement du regard, le champ visuel se prolonge dans la mémoire, la nature dans un parallèle de vie infinie se transforme dans les structures du mouvement. Il est gravé dans chaque millimètre d’existence, le passage d’une trace sur une autre. Comme dans la croissance d’une plante, on retrouve sa structure évolutive, « le tout » est l’évidence d’un ensemble géométrique divin qui se déplace dans l’illusion du temps.
Les nervures d’une feuille, un coquillage, le zénith céleste ; on pourrait dire que l’art représente dans le fond abstrait de son essence, les structures parfaites de la pensée par la pureté de l’inattendu, comme les traces que le temps accumule dans tout.

Dans l’introspection des années d’analyse des structures de la nature, dans le travail constant pour faire renaître au plus profond des sens ce qui est en moi et qui par la force de la pensée se traduit en langage, je trouve la vie qui commence.

J’ai travaillé pour la première fois en conscience sur le sable, sur les champs. Je suis retourné pour constater l’action du temps sur ce qui devenait autre chose. Le travail partagé entre ce qui réveille par mon action sur la matière en confluence avec les phénomènes naturels.

Sur mes installations spatiales avec les pierres noires, j’ai pu rendre intemporelle cette action car elle a été exposée plus tard dans le Centre d’Art Contemporain « Frontières » dans la région du Nord.

Le contact que j’éprouve avec l’espace, l’action de ma pensée sur les objets ainsi qu’un partage sensible, actif avec les phénomènes de la nature tels que le vent, la pluie ou les marées, m’ont lié plus tard à d’autres expériences plus poussées encore sur ce langage.

Depuis mes premières expériences en Italie avec les grandes pierres que je trouais et que je suspendais ensuite dans la forêt, j’ai du passer au plus rationnel dans mon atelier en cherchant des solutions pratiques.

Comment faire pour trouver dans la ville une symbolique visuelle qui représente ma pensée ?
Mon atelier au troisième étage m’empêchait de travailler avec des matières lourdes, (les portes et couloirs me limitent à des réalisations d’un mètre soixante de diamètre). J’ai pensé à des structures très grandes qu’on puisse regarder de loin comme des signes situés dans des lieux publics qui nous attirent, pour penser, discuter autour.
Alors, j’ai découvert un système de cordage qui me permettait d’accéder à de grandes dimensions. J’ai utilisé du papier qui, renforcé par des structures en cordage, devenait très solide. Finalement, avec des structures légères je pouvais trouver la densité visuelle de la pierre et sur des dimensions inimaginables.

J’ai appliqué le principe des « structures évolutives » de la nature. Ce qui permet de constituer une composition sur le point de fuite en forme de croix. De cette façon, on constitue une structure qui tend vers un macrocosme avec un noyau de tension qui génère le mouvement.
C’est ainsi que j’ai conçu ma première installation dans le Parc de la Maison Blanche à Clamart, par hasard, mais en pur conscience des faits.

Oscar Lloveras

 

 

 

 

 

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